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31 octobre 2014 5 31 /10 /octobre /2014 23:22

Hello Paris,

j'ai lu plusieurs critiques, parfois violentes, portées contre Thomas Mathieu, l'auteur du projetcrocodiles, suite à l'annonce de la publication de son tumblr consacré à la dénonciation du harcèlement de rue. Il me paraît utile de dire, ou de répéter, que la critique du féminisme vaut toujours moins que la critique de ce que critique le féminisme. En l’occurrence, les accusations dont on accable Thomas Mathieu m'irritent davantage que le fait qu'il ait publié un album. Que lui reproche-t-on ? De vendre, dans son intérêt, les témoignages qui lui ont été confiés dans le cadre de ce projet. Pour être claire, cette critique me paraît recevable. Thomas Mathieu va en effet gagner de l'argent grâce au harcèlement de rue, et c'est critiquable. Qui est derrière la caisse ? Un artiste déguisé en commerçant ? Ou l'inverse ? Le projet crocodile paraissait altruiste dans ses intentions, et d'intérêt public. Mais était-ce autre chose qu'un projet commercial ?

Cela dit, que pouvait faire Thomas Mathieu ? Il avait l'opportunité de publier son projet, c'est-à-dire de lui donner de la visibilité et de la pérennité. S'il l'avait refusée, on aurait pu le lui reprocher.

Devait-il donner de l'argent à des associations féministes ? Mais à laquelle ? Une association demandant l'abolition de la prostitution ? On aurait pu le lui reprocher. Fallait-il donner une partie à toutes les associations féministes ? Même aux Femen ? Même aux transphobes ? C'était perdu d'avance.

Fallait-il donner aux victimes de viol ? Mais le harcèlement de rue, et le viol, c'est différent. 

D'ailleurs, on aurait pu aussi lui reprocher de refuser l'argent de cette publication. Car un artiste doit gagner de l'argent, fût-il artiste. On reproche assez souvent aux productions artistiques, et à la bande dessinée en particulier, de minorer la place des femmes. En se privant des moyens matériels qui lui permettent de produire des œuvres où les femmes jouent le premier rôle, Thomas Mathieu aurait de fait contribué à leur effacement.

La leçon de cela, c'est qu'on est toujours critiquable. Pour le dire autrement, même avec les meilleurs intentions, nous péchons. Ou encore : un acte absolument bon est une illusion. Chacun de nos actes comporte une part de mal. Kant avait déjà relevé que l'intention morale est insondable, mais il croyait en la possibilité d'un acte absolument bon : un tel acte est possible, puisque l'accomplir est d'après Kant un devoir. Je suis d'un autre avis. Je crois que la morale, c'est comme jouer au violon : même si on joue bien, on joue faux. Chacune de nos actions peut léser les intérêts légitimes d'autrui, et donc être critiquable. 

Par suite, s'il faut juger une action, une mauvaise méthode est de la blâmer au seul motif qu'elle présente un aspect critiquable. C'est bien entendu la sommes des coûts et des bénéfices qu'il faut prendre en compte. Cela va sans dire.

Pourtant, même des gens très bien refusent de lire Heidegger au motif qu'il était nazi.

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