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10 mai 2014 6 10 /05 /mai /2014 06:54

Hello Paris !
j’ai déjà écrit que manger de la viande était mal. Je développe cette idée. Pardon si les lignes qui suivent paraissent confuses : je les écris surtout pour en garder trace. Pourquoi est-ce mal de manger de la viande ? Parce que ça fait mal aux animaux. Pourquoi est-ce seulement « un peu mal » ? Parce que c’est agréable et sain. Notre bien-être important plus que celui des bêtes, la fin justifie les moyens. Nous sommes dans un cas où le mal peut être commis sans problème, dans la mesure où l’on en tire un plus grand bien. Un autre cas de ce genre, c’est par exemple d’accepter les soins d’un dentiste : on accepte la douleur, mais c’est justifié par la santé.

 

Vos  rappels sont-ils à jour ?

Attention, dans d’autres cas, il est illégitime de justifier le mal par un bien supérieur. Ainsi, il serait illégitime d’imposer la vaccination à une population humaine entière, sans la conditionner au consentement. Tout vaccin entraînant des décès, une telle campagne s’apparenterait à un meurtre. Bien qu’administrer le vaccin permette d’éviter plus de morts que de s’en abstenir, il est criminel à un prince d’imposer une vaccination. La chose est différente si un consentement est requis, car alors la responsabilité échoie à qui accepte ou refuse.

 

Plus c'est gros plus ça passe

Les dilemmes du trolley devraient être envisagés sous cet aspect. Est-il moralement acceptable de jeter un gros homme sur des voies, afin d’empêcher un trolley d’écraser dix personnes ? Mon avis est que si le gros homme accepte de se sacrifier, c’est moralement acceptable, mais que s’il refuse, c’est moralement condamnable, et tant pis pour les dix autres. On pourrait m’accuser d’avoir sacrifié un gros homme sans son consentement, mais si on m’accuse de cela, alors il est impossible de m’accuser d’avoir laissé périr dix personnes. Et je suis responsable d’avoir jeté le gros homme, mais il est faux que je sois responsable de la mort des dix autres : car pour ces dix autres, il est faux que l’action qui les tue vienne de moi.

 

Correspondance

On pourrait imaginer une autre façon de poser le problème du trolley. Soit un trolley se dirigeant vers une fourche. Le conducteur doit choisir soit une voie sur laquelle il y a une personne, soit une autre où il en a dix. Dans ce cas, le principe qui s’applique est de choisir le moindre mal. J’arrête ici ma digression sur les trolleys, que j’ai commencée uniquement dans le but de montrer l’importance du consentement. Or les animaux sont incapables de consentement. Il leur manque en effet la personnalité. Notons au passage que certaines personnes sont incapables de consentement, parce qu’elles sont en état de minorité : les enfants, les fous. Il faut être une personne pour pouvoir consentir, mais le fait d’être une personne est seulement une condition nécessaire, et c’est loin d’être une condition suffisante.

 

On l'a vu dans le Vercors
Même parmi les vegans les plus délirants, on en trouverait peu qui affirmeraient que les animaux sont des personnes. Pour être une personne, il faut être humain. Et puis bon, on va aller droit au but, pour être une personne, il faut
capax dei. Si on répugne au langage théologique, il faut relire les Animaux dénaturés, de Vercors : les humains, ce sont ceux qui ont des grigris. C’est pourquoi les grands singes que Vercors appelle dans son roman les « tropis » sont des humains, même s’ils sont velus. Autrement dit, c’est dans la vie symbolique que s’origine l’humanité.

 

Une vache de douleur
C’est vraiment le point clé pour ce problème de la viande, la vie symbolique. Car oui, les animaux ressentent des émotions. Oui, ça leur fait mal de passer à l’abattoir, surtout dans les conditions scandaleuses de l’industrie. Oui, les animaux ont peur. Et même toi, le végétarien tyrophage, tu es complice. Manger du fromage, c’est avoir tué un veau pour lui prendre sa présure, sans quoi pas de fermentation. Ce veau, il a fallu le séparer de sa mère, sans quoi pas de lait. Et la vache peut appeler son veau pendant des jours. Mais le problème de la vache, c’est que la douleur d’avoir perdu son veau, elle est incapable de l’intégrer à sa personnalité. La vache ignore le deuil. Et dans le cas où elle retrouverait son veau parvenu à l’âge adulte, cela lui serait indifférent. La vache a pourtant des capacités cognitives remarquables dont ferait bien de s’inspirer quelques commentateurs de ce blog, mais elle est privée de vie symbolique. Elle est incapable de reprendre un événement douloureux pour en faire un épisode dramatique de son histoire. Un humain, en revanche, va se définir à partir de son histoire, et le deuil est une des étapes par lesquelles il peut construire sa personnalité (relire Proust).

 

Un tour de passe-passe
C’est pourquoi on peut manger la vache, après l’avoir séparée de son veau, et quand elle est devenue trop vieille pour produire son lait. Elle va avoir mal, mais sa douleur est absolument autre que celle d’une personne. Et c’est un point auquel il faut absolument faire attention. Nous jouons notre humanité en projetant nos sentiments sur les animaux, qui en sont privés, même s’ils connaissent des émotions. Comme dans l’enfer de Dante, celui qui est mordu par le serpent devient serpent, et le serpent qui le mord devient homme, et est à son tour mordu par le serpent. En projetant nos sentiments sur les animaux, nous faisons comme si leurs émotions avaient la portée de notre vie symbolique, si bien que nous risquons de nier notre humanité, puisque nous nous identifions à ce qui est non humain. Il serait alors parfaitement normal que nous acceptions d’être traités comme des animaux, c’est-à-dire sans égard pour notre personnalité. Le paternalisme, tel que le critique par exemple Ruwen Ogien, et qui consiste à imposer aux autres sa propre conception de ce qui est bon pour lui, est un exemple de dérive à laquelle on peut être conduit quand on oublie que le consentement est l’expression de la personnalité.

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